critique
Qu'entend-on par "critique"?
"La notion de critique a une longue histoire. (...) Il existe ainsi de multiples formes de critiques: sociales, philosophiques, esthétiques, littéraires, etc. Il existe également une multitude de théories pour en rendre compte et de pratiques pour les développer et les promouvoir. (...) De façon générique, j'ai proposé dans mes recherches de considérer comme critique ce qui permet de mieux discriminer, interpréter, évaluer, argumenter, juger et remettre en question une réalité vécue ou un phénomène observé."
(Michel Alhadeff : http://implexus.ning.com/notes/a_propos_d'implexus)
"L’agir et la pensée critiques sont confrontés à deux écueils : se laisser rattraper et ré-absorber par les modèles institutionnels dominants ou laisser le rapport destituant se refermer sur lui-même et s’épuiser dans la réplication du même refus. La puissance destituante gagne en force et en portée lorsque l’expression de la résistance s’incarne dans des agencements et des dispositifs (des arts de pensée et d’agir) et qu’elle parvient ainsi à opposer à l’ordre dominant un nouvel ordonnancement des pratiques et des activités. À mes yeux, l’engagement critique aujourd’hui est fondamentalement constituant car il n’est possible de tenir face aux pouvoirs dominants qu’en leur opposant des réalités de vie et d’activité tout aussi puissantes. Agencement contre agencement, pratique contre pratique, dispositif contre dispositif, c’est en ces termes que s’engagent les résistances. La critique a besoin d’éprouver sa puissance dans cette faculté créatrice et constituante. C’est de cette manière qu’elle fait également l’expérience du commun à travers l’effort collectif – effectif, concret, matériel – de refonder nos micropolitiques de groupe et d’activité et, naturellement, de les refonder au rez-de-chaussée, en plein milieu, sur le plan effectif de notre existence, loin des formes sociales dominantes : verticalisées, exorbitées, transcendantes."
(Pascal Nicolas-Le Strat : http://blog.le-commun.fr)
Pour aller plus loin, ci-dessous, un extrait de mon texte (P. Hébrard) :
Connaissance critique, science normative … au risque de ne pas être légitime
(Le texte intégral est à lire dans : Cahiers du CERFEE N° 26, 2009, Presses de la Méditérranée).
Ma réflexion tente d’apporter quelques éléments de réponse aux deux questions suivantes :
- qu’est- ce qui fait qu’une discipline ou un champ de recherche est reconnu comme légitime par une communauté scientifique ?
- à quelles conditions un chercheur peut-il prendre des positions d’ordre moral ou politique, formuler des critiques, proposer des orientations ou des solutions, c'est-à-dire passer de la description ou de l’explication à la critique ou à la prescription ?
(Sur cette question, voir aussi : Boltanski)
On peut répondre à la première question en se plaçant du point de vue de la sociologie des milieux scientifiques et de l’histoire des sciences, ou bien en adoptant un point de vue épistémologique, en interrogeant la validité des connaissances produites, leur conformité à un paradigme, c’est-à-dire à un ensemble de modèles, de principes méthodologiques, de normes et de valeurs partagées par une communauté de chercheurs. Mais on peut aussi se demander s’il existe dans notre domaine un paradigme admis par tous les chercheurs en sciences de l’éducation, ou si l’on ne se trouve pas plutôt devant deux (ou plusieurs) conceptions de la science et de la posture légitime pour celui qui produit des travaux de recherche dans ce champ.
On peut en particulier poser la question de la légitimité d’une posture critique et des conditions dans lesquelles un chercheur peut être amené à formuler des propositions normatives ou des prescriptions. Ce qui revient à poser la question du rapport de la science à la normativité ou peut-être à se demander si les sciences de l’éducation et de la formation – ou une certaine conception de ces sciences – pourraient être classées parmi les « sciences morales et politiques », si cette expression a encore un sens aujourd’hui.
Si je dis par exemple : « l’accès des salariés à la formation continue est inégal, en France, au vu des statistiques prenant en compte leur statut, leur niveau de formation antérieur, leur âge, leur sexe… », je ne fais qu’exposer un fait relevant d’une sociologie descriptive ou positive. Si j’ajoute que c’est inéquitable, je porte un jugement moral, fondé sur l’égalité (ou l’équité) comme valeurs. Si j’en conclus que le discours sur la deuxième chance est illusoire, je formule une critique portant sur un discours souvent tenu à propos de la formation continue, que je considère comme relevant de l’idéologie ; je prends donc position face à ce discours, position relevant d’un engagement social et politique. Un chercheur peut-il légitimement sortir de la neutralité axiologique (porter un jugement moral) ou de la neutralité politique ? Peut-il être en même temps un citoyen engagé et un scientifique, dans quelles conditions et dans quelles limites ?
Dans une première partie, je présenterai une série de faits et quelques arguments (interprétations et commentaires) à l’appui de l’idée selon laquelle la formation des adultes ou formation continue – on dit souvent formation tout court - est un champ de recherche relativement nouveau, ou si l’on veut un sous-champ des sciences de l’éducation, encore mal délimité et mal reconnu, donc peu légitime.(...)
Dans la deuxième partie, j’interrogerai la légitimité et la validité de deux grands types de postures épistémologiques : la première mettant en avant un idéal de neutralité et d’extériorité du chercheur par rapport à son objet d’étude (et aux enjeux pratiques, politiques et sociaux qui le concernent), la seconde, que je qualifierai de coopérative et de critique (ou engagée), refusant la neutralité axiologique, c’est-à-dire celle qui touche aux valeurs et aux finalités, aussi bien que la neutralité praxéologique : celle qui concerne l’action, ce qu’il faut faire ou ne pas faire dans la pratique. Cela revient à soulever la question de la pertinence et de la légitimité (scientifique) d’un savoir qui s’affirme critique et prescriptif, autrement dit d’une connaissance qui ne se contente pas de décrire ou d’expliquer ce qui est, mais qui s’aventure à formuler des jugements sur ce qui est bon (ou mauvais), et des propositions sur ce qu’il faudrait faire pour que cela aille mieux, ou « marche mieux » dans le domaine des pratiques sociales qu’elle étudie.
(Un extrait plus complet de ce texte, dans la rubrique "Les textes" : Connaissance critique).
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