Sarraute, Wittig : le travail des mots

 

« Avez-vous jamais cru à l’existence des choses ? Est-ce que tout n’est pas une illusion ? Il n’y a de vrai que les « rapports », c’est à dire la façon dont nous percevons les objets. » [Gustave Flaubert Lettre à Guy de Maupassant Correspondance t.5 Gallimard La Pléiade, 2007, p. 416]

On va au lieu où mots et sensations de mots ne sont pas séparables (et entre parenthèses on est renvoyé à ce qui fait la nature du langage, un corps hétérogène, à la fois abstrait et concret, matériel et symbolique, réel et irréel.

La geste sarrautienne met en scène tout ce qui se passe avec, autour du langage. « Mes véritables personnages, mes seuls personnages, ce sont les mots. » [Nathalie Sarraute La quinzaine littéraire, n°292, 1978, p.4]

C’est à dire que tout à coup, en Sarraute, on s’aperçoit qu’on vit en langage, sans cesse, sans un instant de repos, nuit et jour, quand on dort et quand on veille. Toutes les situations pratiques qu’on connaît, ce qu’on appelle la vie, la mort, ce qui appartient à la tragédie, à la comédie, aussi bien qu’aux situations les plus banales, sont vécues dans le langage ou plutôt en langage. (p. 280-281).

La langue nous façonne depuis toujours, à tout âge, enfants, adolescents, adultes, vieillards (…) (p. 288).

C’est avec des mots qu’on travaille, des mots qu’il faut investir d’une nouvelle forme dans l’écriture et par conséquent d’un nouveau sens. On travaille avec des mots qui doivent bousculer les lecteurs. Si les lecteurs ne ressentent pas le choc des mots, c’est que le travail n’a pas été accompli. (p. 322).

Monique Wittig Dans l’arène ennemie. Textes et entretiens 1966-1999. Les Editions de Minuit. 2024.