Qu’est-ce qu’un lieu de savoir ?

Les lieux de savoir sont les lieux successifs occupés par des acteurs individuels ou collectifs sur une carte institutionnelle, disciplinaire, politique. Ils sont institués par des interactions vivantes, le temps d’un cours, d’un séminaire, d’une conférence, d’une discussion, d’une soutenance de thèse, d’une controverse, mais aussi par un cheminement de recherche. Ils sont aussi les lieux matériels, construits ou naturels, où se déploient ces activités qu’ils abritent : salles de cours, laboratoires, bibliothèques, jardins botaniques, musées, ateliers. Ils sont également les instruments, les outils, les échantillons, les machines, qui accompagnent les gestes de la main et ouvrent de nouvelles dimensions à la perception et à la pensée humaines. Ils sont enfin les artefacts qui permettent de matérialiser et d’inscrire le savoir ou qui jouent un rôle dans sa construction même : dessins, schémas, textes écrits, discours portés par la voix. Ils sont les inscriptions portées sur ces supports, les signes ou les assemblages de signes, les tracés, le texte qui matérialisent et objectivent les savoirs et les rendent transitifs, transmissibles, communicables.

C. Jacob : Qu’est-ce qu’un lieu de savoir ? OpenEdition Press 2014

l’étranger nous habite (Kristeva)

 

« Étrangement, l’étranger nous habite: il est la face cachée de notre identité, l’espace qui ruine notre demeure, le temps où s’abîment l’entente et la sympathie. De le reconnaître en nous, nous nous épargnons de le détester en lui-même. Symptôme qui rend précisément le «nous» problématique, peut-être impossible, l’étranger commence lorsque surgit la conscience de ma différence et s’achève lorsque nous nous reconnaissons tous étrangers, rebelles aux liens et aux communautés. »

Julia Kristeva : réflexions sur l’étranger (conférence prononcée au Collège des Bernardins, le 1e octobre 2014)

http://www.kristeva.fr/reflexions-sur-l-etranger.html

Capitalisme et sens commun

« Le progrès de la société – s’il est possible – ne tient pas à un objectif grandiose tel que le « renversement du capitalisme » ou sa transformation radicale, mais à une lente modification des lieux communs (des représentations communément partagées) concernant l’être humain et la société. Un changement qui, s’il s’opère, entamera la force du discours dominant et rendra légitime une autre manière de penser et d’agir. »

François Flahault : Le paradoxe de Robinson. Capitalisme et société. Mille et une nuits, 2003.

Affrontements

Ici, finalement, dans nos villes de glaises, les affrontements concernent tout le reste de la vie – pas besoin d’uniforme pour organiser les offensives contre elle, pas besoin de canons et de généraux : chacun le soldat de son armée entière, chacun sa position, chacun établit le compte de ses morts intérieurs – et aucune trêve pour aucune fin à ces guerres.
Seulement, ici, dans nos villes semblables, plus personne pour savoir pourquoi la guerre se mène, ni où elle se mène, ni en fonction de quelles stratégies – les affrontements sont une seconde après l’autre, le champ total de l’existence vécue en ces termes.
Là-bas, dans les villes libérées, on prépare d’autres affrontements.

Extrait de: Arnaud Maïsetti. Affrontements. Publie.net

Va jusqu’au bout de tes erreurs

Va jusqu’au bout de tes erreurs, au moins de quelques unes, de façon à en bien pouvoir observer le type. Sinon, t’arrêtant à mi-chemin, tu iras toujours aveuglément reprenant le même genre d’erreurs, de bout en bout de ta vie, ce que certains appelleront « ta destinée ». L’ennemi qui est ta structure, force-le à se découvrir. Si tu n’as pas pu gauchir ta destinée, tu n’auras été qu’un appartement à louer.

H. Michaux. Poteaux d’angle. Cité par A. Maïsetti en exergue à Affrontements. Publie.net

Écologie de l’attention

« Si notre attention est un champ de bataille où se joue le sort de nos soumissions quotidiennes et de nos soulèvements à venir, alors nous sommes à la croisée des chemins. Chacun peut apprendre à mieux « gérer » ses ressources attentionnelles, pour être plus « performant » et plus « compétitif »… Ou alors, nous pouvons apprendre à nous rendre mieux attentifs les uns aux autres, ainsi qu’aux relations qui tissent notre vie commune. Lire la suite

LENDEMAINS GUERRES…

LENDEMAINS GUERRES ET LARGES

http://www.nuitetjour.xyz/nuitetjourfree/2015/11/22/lendemains-guerres-et-larges-par-arnaud-masetti

…. « C’est le propre de l’Histoire quand elle a lieu : qu’elle se dérobe sous nos pieds. Viendra le temps de la pensée, puis celle, sans doute, de l’action. Pour l’heure, passé celui de la sidération et de l’émotion, c’est le temps redoutable et infect des bavardages, des avis délivrés comme pour se vautrer dans soi-même, et de jouir de la lâcheté d’en posséder un, d’avis, et que dans sa banalité, ils trouvent là leur singularité.

Pendant trois jours évidemment, surtout ne pas écrire qui ajouterait aux mots d’autres mots et la honte. Lire la suite

Impuissance guerrière

 

« Nous sommes dans une logique de l’impuissance guerrière »

http://rue89.nouvelobs.com/2015/11/14/sommes-logique-limpuissance-guerriere-262098

Pour Jean-Pierre Dubois, président d’honneur de la Ligue des droits de l’homme, la réponse « guerrière » apportée par les politiques aux attentats de vendredi illustre leur impuissance et nous place dans une logique inefficace et sans fin.

Quelques heures après les attentats qui ont frappé la France, la question de la réaction se pose déjà. Le mot de « guerre » est sur toutes les lèvres, notamment celles du Premier ministre, au JT de 20 heures de TF1.

La même question s’était posée après les attentats de janvier contre Charlie Hebdo, et Jean-Pierre Dubois, juriste et président d’honneur de la Ligue des droits de l’homme, nous avait alertés. Nous l’avons recontacté.

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à ceux qui déclenchent les guerres

« Karel écrivait : La guerre est une banalité qui nous contraint à remplacer ce que nous avons détruit par ce que d’autres détruiront. Il m’a longtemps semblé que cette phrase énonçait une fatalité pire que l’ironie, puis je me suis aperçu que Karel signifiait que la guerre est un système qui s’entretient de lui-même. Qu’importe ses acteurs et ses justifications, il se nourrit de ses dévastations. La victoire et la défaite n’ont aucune pérennité, sinon comme germes de la prochaine guerre. »

Ayerdhal : Chroniques d’un rêve enclavé, Au diable vauvert, 2009.

L’être comme nouage de lignes et de flux

« Il est plus éclairant de concevoir les êtres comme des nœuds plutôt que comme des cellules. Mon corps est constitué par le nouage infiniment intriqué des flux qui y circulent : air, eau, sang, humeurs, calories, vitamines, hormones. Mon esprit, de même, n’est rien d’autre que ce que trament en moi et à travers moi les lignes que je lis dans un livre, les bandes d’annonce que je vois au cinéma, les flux de parole qui me viennent de mes proches ou de mes transistors. Il n’ y a pas un moi « dans » un environnement ; il y a des trajets multiples qui se nouent « en » moi pour me donner mon existence propre. »

Yves Citton & Saskia Walentowitz  Pour une écologie des lignes et des tissages Revue des Livres, n° 4, mars 2012, p. 28-39. (Présentation du livre de T. Ingold : Une brève histoire des lignes).