Ce qui nous touche…

« Ce qui nous touche » un très beau texte écrit à quatre mains par Isabelle Pariente-Butterlin et Valeto Garry sur le site d’Isabelle :

http://www.auxbordsdesmondes.fr/spip.php?article1946#forum5740

et aussi sur celui de Valeto Garry, Philosophical slug … ici à peine quelques traces :

« Ce qui nous touche J’ai connu un garçon ou peut-être était-ce une fille c’était quelqu’un quoi qu’il en soit je me souviens nos corps en miroir je me souviens les pas qui résonnent sur le bois des vacances je me souviens les mains qui se cherchent presque les mots qui s’écoutent je me souviens. (…)

J’ai connu quelqu’un quelle importance fille ou garçon qui cherchait l’âme au fond des corps.

Ce qui nous touche ? Repli. De moi repli, origami. Ce qui nous touche, approche, s’approche, ce qui nous touche ?, de moi origami, réponse négative, ce qui me touche me replie, je ne veux pas être dans la proximité, telle, je ne veux pas être : touché. (…)

Ce qui nous touche ? Attends. Laisse-moi un peu de temps pour revenir au monde. Laisse-moi revenir de la nuit intérieure, de l’hiver. Ce qui me touche me blesse….

 

 

 

 

déstabiliser l’oppresseur

Imaginer le champ de bataille

contre l’oppression

dans un autre espace

que celui que fréquente habituellement

l’oppresseur

c’est déjà déstabiliser l’oppresseur

qui analyse toujours

sa situation de dominant

avec une théorie opérationnelle

fonctionnant uniquement dans l’espace

de la théorie qu’il comprend

Serge Pey  Dialectique de la tour de Pise

Dernier télégramme, 2010

Nelson Goodman : faire des mondes

Le philosophe américain Nelson Goodman a suggéré que le monde s’appréhende comme un ensemble de mots et de symboles. Au lieu d’être un donné, le monde se présente comme une construction, ou plutôt une perpétuelle reconstruction au gré de la culture et de l’histoire des humains. Parmi eux, les philosophes, les scientifiques et les artistes procèdent activement à sa « reconception » et en proposent différentes versions.

A propos de la relation ente le monde réel et la fiction, dans le roman, Tiphaine Samoyault (dans la revue Romantisme 2/2007, n° 136, p. 95-104) écrit :

La question, dès lors, n’est plus : de quoi est fait ce monde ? mais : est-ce un monde ? ou bien quand y a-t-il monde ? À saisir le problème en terme de fiction, on est toujours pris dans une logique de la différence ou de la distinction qui rend la notion de monde soit analogique, soit inadéquate. La pensée de Nelson Goodman [1] semble confirmer cette hypothèse puisque les « versions » du monde offertes par la fiction ne sont mondes que par différence. Mais l’intérêt de la réflexion de Goodman pour la catégorie de roman-monde tient au fait qu’il insiste sur la capacité référentielle de ces mondes et sur leur fonction pour la connaissance. « Qu’elle soit écrite, peinte ou agie, la fiction ne s’applique alors véritablement ni à rien, ni à des mondes possibles diaphanes, mais aux mondes réels, quoique métaphoriquement. »  Elle participe en cela à la construction de mondes réels. En dégageant la fiction de la question du possible, Goodman permet de penser le roman-monde non comme celui qui veut livrer une représentation totale du monde, ni comme celui qui tente de relayer cette totalité impossible par la construction d’un monde parfaitement autonome dans le langage, mais celui qui contribue à construire (to make) le réel, c’est-à-dire la connaissance que l’on peut avoir du monde. La fiction n’est pas le monde, mais une manière de faire monde quand par « faire monde », il faut entendre la mise au jour d’une compréhension, d’une vérité d’ordre métaphorique.
URL : www.cairn.info/revue-romantisme-2007-2-page-95.htm.

A côté du roman, de la fiction, la recherche est une autre façon de faire monde, de construire la réalité, avec ses instruments conceptuels visant à produire une vérité d’ordre scientifique. (Voir aussi la distinction entre la réalité et le monde chez Boltanski (De la critique, Gallimard, 2009, p. 93)

Voir aussi : Nelson Goodman : La fabrique des mondes 
http://www.seroux.be/spip.php?article181


[1] Nelson Goodman, Manières de faire des mondes, trad. de l’anglais par Marie-Dominique Popelard, Nîmes, Jacqueline Chambon, 1992. (Paris, Gallimard, 2007)

Une identité-relation (Édouard Glissant)

« Les identités fixes deviennent préjudiciables à la sensibilité de l’homme contemporain engagé dans un monde-chaos et vivant dans des sociétés créolisées. L’Identité-relation, ou l’ »identité-rhizome » comme l’appelait Gilles Deleuze, semble plus adaptée à la situation. C’est difficile à admettre, cela nous remplit de craintes de remettre en cause l’unité de notre identité, le noyau dur et sans faille de notre personne, une identité refermée sur elle-même, craignant l’étrangeté, associée à une langue, une nation, une religion, parfois une ethnie, une race, une tribu, un clan, une entité bien définie à laquelle on s’identifie. Mais nous devons changer notre point de vue sur les identités, comme sur notre relation à l’autre. Nous devons construire une personnalité instable, mouvante, créatrice, fragile, au carrefour de soi et des autres. Une Identité-relation. C’est une expérience très intéressante, car on se croit généralement autorisé à parler à l’autre du point de vue d’une identité fixe. Bien définie. Pure. Atavique. Maintenant, c’est impossible, même pour les anciens colonisés qui tentent de se raccrocher à leur passé ou leur ethnie. Et cela nous remplit de craintes et de tremblements de parler sans certitude, mais nous enrichit considérablement. »

Édouard Glissant, Le Monde, 3/02/2011

Guattari sur « les modes de production de subjectivité »

 

Dans un entretien pour la revue Transversales, en 1992 (?), publié dans Qu’est-ce que l’écosophie ? (Lignes IMEC. 2013), à une question sur les formes que pourrait prendre le pôle progressiste (les tentatives d’émancipation), Guattari répond :

« Il est tout à fait susceptible d’emprunter des habits anciens coupe Staline ou coupe Mao ou de se colorer de diverses manières d’utopisme à la recherche d’un nouveau contrat social ou d’un nouveau contrat cosmique… » (…)

Au détriment, encore une fois de la singularité, de la spécificité des positions subjectives. Et pourtant je pense que ce n’est pas à partir d’un tel recentrement sur le social-idéologique que pourra s’opérer un véritable mouvement de libération sociale, mais plutôt à partir de la prise en compte de ce que j’appelle globalement : les modes de production de subjectivité. Le recentrement devra se faire à un niveau éthique qui est celui de la resingularisation des pratiques sociales et des pratiques individuelles, des pratiques de construction de soi-même. En ce sens on passera d’un paradigme qui se voulait scientifique aux différentes époques et sutures du socialisme, à un paradigme plus éthico-esthétique, c’est à dire plus axé sur la création de soi-même, de son rapport au corps, au monde, à l’autre… Ce rapport à l’autre est fondateur d’une éthique que j’ai baptisé écosophie. Cette éthique ne concerne pas seulement l’altérité humaine toute constituée, le rapport aux individus, aux semblables, mais la prise en compte du dissemblable, du dissensus, de la différence dans l’ordre humain, animal, végétal, et le rapport au cosmos, aux valeurs incorporelles telles que la musique, les arts plastiques, etc. » (p. 280-281).

Une citation de Charles Juliet

A propos d’une citation de Descartes, l’écrivain nous donne une assez belle définition de ce qu’est une pensée réflexive et critique qui, notamment dans la dernière phrase, est très proche de ce que j’appelle « translaboration ».

 

« Descartes (…) Que nous dit-il ? Il nous dit cette chose essentielle :  » Il faut trouver la source et se transformer soi-même. » Or trouver la source, c’est remonter à l’origine de la pensée. C’est faire en sorte que celle-ci pénètre en elle-même, élucide sa propre activité, et pour finir, s’affranchisse de ce qui la conditionne. Si ce travail de récurage est effectué – il est toujours à reprendre et ne doit jamais cesser – alors survient cette mutation qui donne sens à la vie.

Ceux qui font profession de penser, s’ils veulent penser par eux-mêmes, ils doivent conquérir cette liberté qui ne s’obtient que lorsque la pensée se dégage de ce qui la détermine. Ce n’est que dans ces conditions qu’elle peut tendre à l’objectivité, à l’universel.

L’étrange est que très peu d’êtres éprouvent le besoin de déconditionner leur pensée et de se transformer. Se transformer pour devenir pleinement soi-même. Et ainsi passer du moi au soi. Aller vers toujours plus de lucidité, de conscience, d’ouverture, de compassion, de présence à soi-même et aux autres… »

Charles Juliet, Apaisement. Journal VII. 1997-2003. POL. 2013. (p. 74)

 

Avec une nuance peut-être : je ne crois pas que la pensée puisse se dégager totalement de ce qui la détermine ; elle peut seulement en prendre conscience, au moins pour une part, et tenter de prendre un peu de distance, de recul, par rapport aux implications de celui qui pense. La pensée reste toutefois toujours située (localement et historiquement) et impliquée. Elle peut « tendre à l’objectivité, à l’universel », mais elle reste peu ou prou subjective et singulière, comme toute parole humaine.

Guy Jobert : « Exister au travail »

Vient de paraître le livre de Guy Jobert « Exister au travail. Les hommes du nucléaire », aux éditions  Erès.

Présentation de l’éditeur :

Dans le cadre de notre activité de travail, par quels moyens et à quel prix tentons-nous d’exister, de nous développer au milieu des autres, et de donner du sens à notre action ?

En ethnologue du monde du travail, Guy Jobert a partagé la vie et écouté longuement les agents de conduite de centrales nucléaires françaises. Il analyse comment ceux-ci explorent des voies multiples pour tenter de faire de leur travail un lieu de construction identitaire ou pour réduire les dangers qu’il fait peser sur leur équilibre. Au-delà des hommes du nucléaire, il montre que tout travailleur mène en permanence deux activités, distinctes mais totalement liées : l’une qui répond directement à sa mission productive et l’autre qui consiste à exister personnellement dans et par son travail. Ces activités demandent toutes deux compétences, efforts, invention, et sont toutes deux menacées par l’échec. L’enjeu pour le travailleur est considérable. Cette perspective confère au travail une place centrale dans la construction de la personne humaine.

Guattari (avril 1992)

Dans une interview pour une revue allemande, Félix Guattari disait :

« C’est important pour moi d’affirmer par provocation – délibérée – le caractère de finitude du rapport aux médias actuels. Cela ne va pas durer toujours, on voit bien aujourd’hui, en France l’état de catastrophe des télévisions, et, demain de la presse écrite. Ça va aller mieux après ? Mais je n’en sais rien, tout peut mourir. Imaginez le paysage français avec la mort du Monde ou de Libération (…) Il est possible que les médias tombent au rang de banalisation du téléphone. Et que la fascination du média disparaisse, remplacé par d’autres pratiques télématiques, d’interactivité, avec banques de données,etc. Les médias continuerons d’exister, comme le téléphone, mais ne serons plus investis de la même façon. »

Qu’est-ce que l’écosophie ? Éditions Lignes IMEC, 2013. p. 165

Qu’est-ce que l’écosophie ?

Ci-dessous, quelques extraits d’un article de J-Ph. Cazier (Médiapart) à l’occasion de la parution des textes de Félix Guattari « Qu’est-ce que l’écosophie ? » (présentés par S. Nadaud) aux éditions Lignes IMEC en 2013,

Par Jean-Philippe Cazier (21 février 2014)

Le texte est en ligne : http://blogs.mediapart.fr/blog/jean-philippe-cazier

« Selon Guattari, ce qui caractérise l’époque contemporaine est, d’une part, que les situations actuelles, autant écologiques que politiques, économiques, institutionnelles, psychiques, subjectives, technologiques, etc., sont connectées entre elles, chacune impliquant les autres et réagissant sur les autres ; d’autre part, que ces situations incluent des conditions, des effets et problèmes ayant des implications qui résonnent immédiatement à l’échelle de la planète. Le discours de Guattari est amené à croiser des domaines hétérogènes selon une transversalité rendue nécessaire par la nature justement transversale de notre réalité : on ne peut parler de la situation écologique sans parler en même temps de technologie, des subjectivités, du capitalisme, comme on ne peut se référer à la politique sans parler d’écologie, du psychisme, des animaux, des médias ou de l’art. Tous ces domaines sont bien sûr distincts mais s’articulent selon des modalités variables et évolutives : les discours et pratiques co-fonctionnent selon des relations « machiniques » qui à la fois maintiennent leur hétérogénéité et rendent nécessaire de penser leurs rapports, les points sur lesquels ils se recouvrent, les lignes par lesquels ils divergent, la complexité qui est ainsi produite, autant matérielle que psychique.

Ce que Félix Guattari nomme écosophie concerne donc l’analyse des relations entre l’écologie, le social, le politique et le mental, la mise au jour de ces relations, mais surtout les modalités par lesquelles il devient possible d’agir sur celles-ci en vue de sortir de « l’impasse planétaire ». S’il est nécessaire de repenser les « vieilles idéologies qui sectorisaient de façon abusive le social, le privé et le civil », s’il est nécessaire, pour la psychanalyse ou l’écologie, de comprendre en quoi le rapport à l’environnement ou les subjectivités sont liés au politique, aux technologies ou à l’histoire, ce n’est pas dans le seul but de connaître les processus et relations complexes dans lesquels nous existons – reconnaissance qui conduit à complexifier tous ces domaines et à sortir des modèles universalisants et éternisants –, mais c’est pour tenter de nous les réapproprier, de manière individuelle et collective, d’agir en vue de produire autre chose que ce qui nous conduit à un désastre général : désastre écologique et social, désastre politique, économique, technologique, désastre pour les subjectivités, pour les vies humaines et non humaines – désastre dans lequel nous sommes déjà.

On abordera donc le social, le politique, l’écologique, le mental, selon une logique des relations, de la multidimensionnalité, de la complexité (…)

L’écologie est importante, d’une part, dans la mesure où elle conduit à penser à l’échelle de la planète, qu’elle fait sortir la pensée et les pratiques de leurs territoires mentaux et physiques habituels ; d’autre part, parce qu’elle est l’occasion de repenser de manière complexe les rapports entre l’environnement, le politique, le social, la technique, le mental, les subjectivités, etc. L’intérêt de l’écologie est de permettre une mutation de la pensée, des pratiques et modes d’existence – autrement elle se condamne à n’être qu’un avatar d’une pensée réactionnaire, d’une politique appauvrissante et aliénante, participant à l’empêchement de toute mutation libératrice du social, du politique, des subjectivités.(…)

Ainsi, l’écosophie selon Guattari ne se présente pas comme une discipline scientifique constituée ou à constituer, elle est d’abord un effort vers une nouvelle façon de penser et d’agir, une nouvelle pratique de la pensée autant qu’une nouvelle pratique de la pratique. Cette mutation dans l’ordre de la pensée, de l’action et de l’existence, est nécessitée par ce qui caractérise l’époque contemporaine – la dimension plurielle et planétaire de la réalité humaine et non humaine – mais surtout par les catastrophes dans lesquelles nous sommes engagés et qui laissent entrevoir un futur fait de catastrophes plus destructrices encore : catastrophes écologiques, catastrophes politiques, économiques, sociales, catastrophes technologiques, médiatiques, psychiques. Cette mutation de la pensée, de la pratique et des subjectivités, est nécessitée par la forme actuelle du capitalisme qui ne peut plus être pensé et combattu avec les mêmes ressources qu’auparavant.

Certains des textes qui composent Qu’est-ce que l’écosophie ?, proposent les éléments d’une analyse du capitalisme actuel (« capitalisme mondial intégré »), le capitalisme post-industriel qui, loin de se limiter à la production de biens matériels, a investi tous les domaines, sur toute l’étendue de la planète. (…)

Le capitalisme actuel est compris par Guattari comme une immense machine à produire, une machine à l’échelle de la planète, qui non seulement intègre tout (le vivant, le savoir, le mental, les cultures, etc.), mais surtout produit tout – jusqu’à nos rêves. (…)

Ne pas comprendre que la revendication de mutations dans la production du savoir, des corps, des modes de vie, des subjectivités, de l’environnement, de l’information, est aussi importante, dans la résistance au capitalisme, que la remise  en cause du marché financier ou du système de production de biens, c’est se condamner à penser, à vivre, à agir en fonction du capitalisme (…).

Le capitalisme actuel ne détruit pas uniquement les biotopes au niveau mondial, il empêche et détruit également toutes les possibilités de vie, de pensée, de subjectivation, divergentes et créatrices d’autres finalités.  (…)

Guattari développe également une attention à ce qui en soi est porteur d’une divergence par rapport au monde capitaliste : attention aux discours et aux pratiques singuliers – pratiques politiques, institutionnelles, collectives ou individuelles, locales, discours philosophiques, scientifiques, médiatiques, délirants, etc. –, aux processus singuliers de subjectivation, aux pensées « déviantes » ou « folles » (comme cela est le cas dans L’Anti-Œdipe ou Mille plateaux). De même, une attention précise à l’art, aux pensées et pratiques artistiques, aux nouvelles formes de la production artistique, dans la mesure où « (…) la pratique artistique a à la fois un impact dans le domaine du sensible, dans le domaine des percepts et des affects, et en même temps une prise directe sur la production d’univers de valeurs, d’univers de référence et de foyers de subjectivation (…). Des façons de voir, de sentir, d’être affecté tout à fait mutantes ». (…).

Lorsqu’il décède en 1992, Félix Guattari laisse une œuvre considérable, des perspectives extrêmement riches, autant politiques que philosophiques. Son œuvre ne cesse de tendre vers une nouvelle façon de penser et d’agir : nouvelle façon de penser le capitalisme mais aussi la psychanalyse, l’inconscient, l’art, la littérature, l’action politique, les médias, la ville, l’environnement, la technologie, l’ontologie, le sujet, la névrose, le collectif, etc., et l’on retrouve dans Qu’est-ce que l’écosophie ? toute cette profusion enthousiasmante et féconde. Il est d’ailleurs frappant de constater à quel point les derniers textes de Guattari, écrits il y a plus de vingt ans, anticipent sur notre actualité et en permettent une analyse percutante, aussi bien en ce qui concerne le réseau internet que l’urbanisme, le discours politique, ou encore les crispations nationalistes, identitaires et fascisantes actuelles. »

 

 

penser la socialisation-personnalisation

Hugon, M., Vilatte, A. et Prêteur,Y. (2013). Philippe Malrieu : un modèle de la socialisation-personnalisation, in A. Baubion-Broye et al. Penser la socialisation en psychologie. Actualité de la pensée de Philippe Malrieu. Toulouse : Erès.

Quelques extraits :

L’œuvre de Malrieu (…) propose un modèle dialectique de la socialisation, articulant changement individuel et changements sociaux. Dans ce modèle, le sujet est considéré comme acteur de ses conduites par les significations qu’il leur accorde dans les différents milieux et temps de sa socialisation. La socialisation ne résulte donc plus d’une simple acculturation ou d’un assujettissement aux règles et normes des systèmes institutionnels mais également d’une construction subjective (personnalisation).(…)

« Au-delà des institutions où il est directement engagé : famille, école, travail, groupes de pairs, l’adolescent approfondit ses relations avec les institutions de la société globale : économie, État, culture. »

A l’instar de Wallon et de Meyerson, Malrieu souligne l’inscription des conduites humaines dans des systèmes sociaux et culturels au sein desquels autrui tient un rôle de médiateur (pairs, éducateurs, etc.).

Pour Malrieu, la socialisation recouvre un double versant : un processus d’acculturation, consistant en l’appropriation d’un monde de culture et ayant pour principale finalité d’orienter les conduites de l’individu (…) et des processus de personnalisation, processus au sein desquels le sujet repère les insuffisances ou contradictions de ces contraintes sociales pour les dépasser et se déprendre de ses propres assujettissements.

La personnalisation se définit donc comme une construction originale par laquelle le sujet tente d’objectiver et surmonter les conflits à l’origine d’un sentiment de division.

La définition d’un projet cohérent de vie apparaît comme nécessaire pour dépasser ces conflits et continuer à se construire. Ce projet ne peut s’établir que sur une reconnaissance des expériences antérieures vécues et à l’intersection de normes multiples (idéologiques, morales, religieuses, philosophiques) que la personne rencontre au sein des différentes institutions qui l’éduquent.

« C’est par l’analyse critique de ses expériences et des normes qui l’entourent que le sujet va créer, innover, se personnaliser en accédant ainsi au statut de personne ».

Les dimensions que Malrieu propose au chercheur de repérer à partir des œuvres autobiographiques correspondent aux relations que le sujet entretient avec son entourage (personnes auxquelles il s’identifie ou s’oppose), aux idéologies dominantes dans les institutions et dans ses différents groupes d’appartenance et à la façon dont le sujet construit ses représentations de soi, son identité, à partir des relations qu’il élabore entre ces différents systèmes.

La façon dont Malrieu conceptualise son modèle de la socialisation ((…) est plurielle car elle se réalise simultanément dans des milieux différents et ce tout au long de l’existence. (…) « Considérant que les relations interpersonnelles sont médiatrices de la construction du sujet, l’hypothèse est de ne pas éparer l’étude des fonctions et des processus psychiques de celle de leurs cadres sociaux, des institutions et des représentations collectives.

Voir aussi : des extraits d’un article de Malrieu sur le site :

http://www.translaboration.fr/wakka.php?wiki=MalrieU