A propos pierre hébrard

A vécu en France (Perpignan, Avignon, aujourd'hui Montpellier) et aussi au Canada (Toronto) et en Algérie... A été actif comme formateur, enseignant, chercheur et l'est encore... et aussi lecteur (beaucoup) et écriveur (un peu) ici et là : www.translaboration.fr

La parole de Rancière

La parole qui maintient aujourd’hui ouverte la possibilité d’un autre monde est celle qui cesse de mentir sur sa légitimité et son efficacité, celle qui assume son statut de simple parole, oasis à côté d’autres oasis ou île séparée d’autres îles. Entre les unes et les autres il y a toujours la possibilité de chemins à tracer. C’est du moins le pari propre à la pensée de l’émancipation intellectuelle. Et c’est la croyance qui m’autorise à essayer de dire quelque chose  sur le présent.

Rancière, J. (2017). En quel temps vivons-nous ? La Fabrique

Foucault : l’écriture comme expérience et transformation

J’ai tout à fait conscience de me déplacer toujours à la fois par rapport aux choses auxquelles je m’intéresse et par rapport à ce que j’ai déjà pensé. Je ne pense jamais tout à fait la même chose pour la raison que mes livres sont pour moi des expériences, dans un sens que je voudrais le plus plein possible. Une expérience est quelque chose dont on sort soi-même transformé. Si je devais écrire un livre pour communiquer ce que je pense déjà, avant d’avoir commencé à écrire, je n’aurais jamais le courage de l’entreprendre. Je ne l’écris que parce que je ne sais pas encore exactement quoi penser de cette chose que je voudrais tant penser. De sorte que le livre me transforme et transforme ce que je pense. Chaque livre transforme ce que je pensais quand je terminais le livre précédent. Je suis un expérimentateur et non pas un théoricien. J’appelle théoricien celui qui bâtit un système général soit de déduction, soit d’analyse, etl’applique de façon uniforme à des champs différents. Ce n’est pas mon cas. Je suis un expérimentateur en ce sens que j’écris pour me changer moi-même et ne plus penser la même chose qu’auparavant.

Foucault, M. (2001). Dits et écrits II. 1976-1988. Paris : Gallimard Quarto. p. 860

Monedero : reconstruire un espace d’émancipation

« Nous sommes des professeurs de science politique ce qui signifie que tout ce que nous pensons, tout ce que nous disons et tout ce que nous faisons sont liés. Qu’est-ce qui alimente quoi ? Lorsque je lis quelque chose, ça me paraît intéressant parce que ça fait à écho à des situations auxquelles j’ai été confronté. »

Podemos ne voulait pas réinventer la gauche mais reconstruire un espace d’émancipation. Entretien avec Juan Carlos Monedero

Laura Chazel juin 14, 2017, à lire sur le site de Le vent se lève :

lvsl.fr/6278-2

Vivre seuls ensemble (Tzvetan Todorov)

(A propos d’Eward Saïd)

Au cours de ces mêmes années (1970) je poursuivais un travail parallèle sur le regard que les ressortissants d’une culture portent sur ceux d’une autre, donc sur l’unité et la pluralité intérieure de l’espèce humaine, travail dont sont issus mes livres La conquête de l’Amérique et Nous et les autres. (p. 26)

L’intellectuel  est d’abord celui qui ne se contente pas d’être le spécialiste de tel ou tel domaine, mais intervient dans la sphère publique, qui parle du monde et s’adresse au monde. (p. 34)

(Et à propos de l’exil) L’homme « dépaysé » qui émerge de cette expérience n’est toutefois pas un autochtone de plus : il ne renonce pas entièrement à son identité antérieure mais participe simultanément de deux cadres de référence, sans s’identifier pleinement à aucun. Cet individu voit chacune de ses cultures à la fois du dedans et du dehors, ce qui lui permet d’échapper à leurs automatismes et de les examiner d’un regard critique. (p. 35) Lire la suite

La haine (Günther Anders)

Plus vrai que le célèbre « principe ergo » de Descartes, il y a cet autre, vulgaire, quasi universellement reconnu : « Je hais donc je suis. » Ou plus précisément : « Je hais donc je suis moi. » Ou finalement : « Donc je suis quelqu’un« .

En effet, la haine n’est pas seulement la forme première (pré-théorique) de la négation, elle n’est pas seulement le plaisir anticipé (sadique) d’anéantir l’autre, mais simultanément aussi l’affirmation de soi et la constitution de soi par négation et destruction de l’autre. A tout le moins aussi juste que le principe de Fichte, le moi pose le non-moi, il y a celui énonçant que le moi se « pose » lui-même par l’anéantissement du non-moi. (p. 33-34). Lire la suite

Armand Gatti Une préface…

où Gatti dit ce que pourrait être et ne pas être… une préface (dans « La Parole errante », p. 38 et suivantes)

Une préface, certes, mais à quoi ?

 

Ce pourrait être l’oeuvre absente devenue écrite d’un texte dont seuls les doutes sur son existence ont servi jusqu’ici d’existence. Les grotesques encadrent un portrait jamais peint. (p. 39)

 

Ce pourrait être, hors texte, la réponse longtemps retardée à une commande de l’an 2000: « Vos mots sur une scène de théâtre, c’est quoi ?… » Il n’y a pas de réponse. Simplement une interrogation des personnages d’un drame écrit, faite à trois récits qui disent le toujours même enfermement – et, par opposition, la même liberté. (p.43).

 

Ce pourrait ne pas être le concret de la page écrite prise pour objet – et son ouverture, pour une liberté. Il y a des pages trouées de blanc. Ce blanc troué de paroles comme des blessures par balles est à la fois le même texte et son impossibilité sans cesse interrogée (investie). (p. 45).

 

D’un côté la grammaire gouverne son dire. De l’autre, le mythe lui donne un sens. (p.46).

 

 

Michel Vezina « raconter notre monde »

Le roman, le documentaire, le reportage et l’essai, formes qui tentent de raconter notre monde, sont à réinventer. Un genre nouveau est à créer qui passe peut-être par une fragmentation semblable à celle proposée par internet. Nous avons besoin d’un décloisonnement des formes, de modèles de réflexion et de création indisciplinées, comme ce que certains chercheurs, dont Myriam Suchet, commencent à proposer pour envisager notre monde. (…) Il faudrait à la fois intégrer (et se sortir) du roman, de la nouvelle (au sens journalistique de celle-ci), du reportage, de l’essai, du scénario (…), du blogue, du commentaire (…)

Je veux me fondre dans une réflexion qui engagerait ma présence au  monde, mon emprise et ma responsabilité sur les évènements qui ponctuent mes journées et celles de mes contemporains. Je veux comprendre le monde en le disant, en le nommant, en tenant pour acquis que la manière de dire est au moins aussi importante que ce qui se dit.

Michel Vézina, Pépins de réalités, Tête première, 2016, p. 191-192.

Michel Vézina Pépins de réalités

Je lis « Pépins de réalités » de Michel Vézina (éditions Tête première, 2016). J’ai rencontré Michel Vézina ce samedi 4 mars au séminaire des Fabriques de sociologie à St Denis. Il était venu avec son camion librairie. J’ai dû partir avant la fin de l’après-midi et je n’ai pas pu assister à son « intervention », mais j’avais acheté son livre que j’ai commencé à lire dans le train. Un livre d’un genre inclassable « entre roman, essai, récit et poésie – qui questionne les nouvelles formes de description du réel… » selon la quatrième de couverture. Deux extraits :

« S’immiscer dans les interstices de notre monde lisse. Doucement agrandir les fissures qui pourront peut-être un jour devenir des crevasses et faire se fendre les certitudes. L’idée, en tout cas celle d’interstice, est de Pascal Nicolas Le-Strat. (Puis une longue citation du livre de Pascal « Le travail du commun » dont je ne retiens ici qu’une partie)

Nombre d’expériences et parmi les plus créatives et les plus radicales finissent par rentrer dans l’ordre, par le fait d’une lassitude qui emporte les meilleures volontés ou d’une institutionnalisation qui, insidieusement, assimile et phagocyte le processus expérimental. L’interstice a vécu ; ses perspectives se referment, se restreignent. Il n’existe aucune initiative qui ne soit assimilable, aucun projet qui ne soit récupérable. Rien dans leur définition ou dans leur constitution ne saurait les protéger. Seuls leur mouvement d’autonomisation, leur ingéniosité et leur intelligence des situations leur permettent de résister… »

« Souvent je me dis que je devrais tout simplement ne faire que lire. »

(Michel Vézina  Pépins de réalités, éditions Tête première, 2016, p. 82-83) Lire la suite

Fragilité et puissance de la parole

Quelques extraits de :

L’événement de parole: expérience de la voix et construction de soi – Perspectives subjectives, rêveries, cheminement autour de la parole (et du poème)

Nathalie Brillant Rannou

Publié le 5 février 2017 http://autolecture.hypotheses.org/69

« La parole requiert pudeur, prudence, c’est un sujet qui touche au sacré, à l’intime, au plus vibrant de notre identité et de notre relation à l’Autre. (…)

Je voudrais interroger la parole en tant qu’expérimentatrice, en tant que lectrice. Ou plutôt en tant que lectrice qui s’interroge aussi sur la lecture, la littérature, les arts des mots… les arts de … la parole. Je voudrais donc réfléchir à la parole du point de vue de son expérience. Or « faire l’expérience de la parole », qu’est-ce que cela recouvre ? De quoi cela se distingue ? En quoi est-ce désirable ? Redoutable ? Profitable ? Fondateur ? Et de quoi ? De façon plus personnelle et intime je me demande : de quelle parole sommes-nous faits ? Sommes-nous disponibles à la parole, laquelle, lesquelles ? De quelle parole relève notre humanité (quand nous ne sommes pas dans un rapport utilitaire, de pouvoir, de représentation, de marchandage, d’usages truqués entre nous) ? Lire la suite